Bugadières et Poissonnières à l'honneur du 54ème Salon

Publié le 25 Février 2012

 

La Bugadière et la Poissonnière

 

Ces deux santons ont été choisis comme thème du dernier Salon. Aux oeuvres présentées par les santonniers professionnels en activité et amateurs sont venus s'ajouter des pièces prêtées par des collectionneurs, ce qui a permis de mettre en place une exposition retraçant l'histoire et l'évolution de ces deux personnages qui sont aujourd'hui encore des figures emblématiques de la crèche provençale.

 

En cherchant dans les livres et publications consacrés au santons le moment où ces deux personnages font leur apparition dans la crèche provençale, c'est le nom du plus célèbre et du plus ancien des santonniers qui est cité , Jean Louis Lagnel (Agnel 1764-1822). Difficile cependant de retrouver leur trace d'origine dans les musées ou chez les collectionneurs. Dans son ouvrage « Crèches et Santons de Provence » Régis Bertrand présente la reproduction d’une lavandière de Jean Louis Lagnel en précisant que le santon accidenté semble avoir tenu entre ses mains un lange. Une corbeille de linge est posée à ses pieds.

 

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La lavandière de Lagnel

 

 

La Poissonnière

Considérons d'abord la poissonnière. Elle fait partie en effet des santons traditionnels d’une crèche, notamment à Marseille et figure en bonne place au jourd'hui encore au catalogue de la plupart des santonniers. 

Figure populaire, on l'imagine bien de taille plutôt forte, bien en chair, d’un caractère assez vif, l’allure fière, les deux mains posées sur ses hanches en tenant tient fermement ses paniers, et donnant volontiers de la voix pour vanter sa marchandise.

   
La poissonnière est à l'origine une porteuse d’offrande.


  A l’origine, la poissonnière fait partie des santons dits porteurs d’offrande. Comme tous les autres santons, soit elle est en route, soit elle est arrivée à l'étable pour offrir du poisson au nouveau-né. Ce n'est donc pas son activité, son métier qui est mis en valeur, mais sa présence à la crèche. Chassée des églises par la révolution, réfugiée dans les familles, la crèche est alors avnat tout célébration de la nativité, représentation d'un évènement sacré. Les santons sont l'expression de la foi populaire.

    
La poissonnière est d'abord représentée  avec une corbeille sous chaque bras

 

Le catalogue de l’exposition « Quand les santons entrent au musée » présentant la collection de Jean Amédéé Gibert et réalisé par Régis Bertrand, nous permet de découvrir les poissonnières que les santonniers de Marseille modelaient dans l’argile entre 1917 et 1919, notamment Monsieur et Madame Joseph Guichard, Georges Piconle, Urbain Truffier et Antoine Gilly.
Ces poissonnières arborent fièrement une corbeille sous chaque bras. Elles vont à la crèche offrir du poisson à la sainte famille.

Françoise Delesty dans son ouvrage « Mémoire des Santons de Provence » la voit comme une femme généreuse : « elle vient pour donner non pour vendre ».

 

 

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Cette poissonnière de Pierre Graille portant un plateau et levant un bras comme pour attirer l'attention de la clientèle sur sa marchandise, peut également figurer dans la crèche comme une offrante manifestant une attitude d'admiration et de respect à l'égard du nouveau-né.

 


Le poisson désigne la personne du Christ.


La poissonnière offrant le poisson nous rappelle aussi la valeur de ce symbole dans la pensée chrétienne. Le poisson désigne la personne du Christ. Ses apôtres étaient nommés pêcheurs d’hommes et dans nos traditions calendales la morue est un des plats du gros souper, ce repas maigre qui précède la veillée de Noël. Et si en Provence a lieu l’offrande de l’agneau pendant la messe de minuit, à Marseille et dans d’autres villes du littoral c’est le poisson que les pécheurs apportent en procession.

 

 

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Ces différentes poissonnières de René Pesante ont une balance romaine accrochée à leur ceinture à l'exception de celle à gauche qui a peut-être été réalisée à partir d'un moule de Lagnel.



La poissonnière va s'affirmer en tant que telle avec la balance romaine


Par la suite la poissonnière va arborer fièrement une balance romaine accrochée à sa ceinture ou portée à bout de bras. Cet accessoire contribuera à donner au santon son identité propre, à populariser son personnage en l’identifiant à son métier, son type de modèle social et non plus à sa qualité d'offrante. Le personnage perd ainsi son rapport direct lien avec le monde du sacré.

Cet accessoire fait son apparition avec Thérèse Neveu notamment.
Le santon  devient alors une figure sociale à part entière, perçue dès lors un peu comme le représentant de toute une profession.

 

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Cette poissonnière en plâtre de Joseph Asperty a une balance accrochée à sa ceinture. Mais son regard et le mouvement de ses mains lui confèrent davantage une attitude d'offrante que de marchande.



La poissonnière et son étal de marchandise.
 

 

Plus tard encore, cette mise en valeur du métier sera encore plus accentuée avec la présence de l’étal de marché faisant corps avec le personnage pour former une scène vivante qui se suffit à elle-même mais perd ainsi tout lien avec le sacré, avec l’évènement de la crèche.

La poissonnière représentée en train de vendre son poisson, n’est plus en route vers la crèche.
Dans certaines crèches aujourd’hui, au grand dam des puristes, les métiers et le marché provençal avec la vie festive et joyeuse du village occupent une place de plus en plus prépondérante. Cette évolution peut se concevoir non pas comme une perte du sacré, mais son déplacemnt de la sainte famille à la vie du village d'antan perçu comme une sorte de paradis perdu, évoquant désormais une époque heureuse révolue. La vie passée de nos ancêtres accède ainsi à une forme revêtant un caractère sacré qui mérite d'être célébré en le représentant idéalement.

 

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Poissonnière au marché, pièce unique de de Yannick Fusier.

 


Une nouvelle conception du sacré.

Le monde du sacré originel de la crèche va laisser place à cette autre forme de sacrée qu’est l’évocation de modes de vie ancestraux disparus.

L’évolution du modèle de la poissonnière illustre bien comment tous les personnages profanes de la crèche vont peu à peu perdre leur lien avec le monde du sacré originel pour laisser place à une nouvelle forme du sacré, celui des valeurs du passé qui ne s’incarne plus, ou pas encore, dans les modes de vie actuels.
Ainsi la poissonnière a pour fonction aujourd’hui, comme la bugadière et beaucoup d’autres santons désormais, d’évoquer cet âge d’or d’un passé révolu mais heureux dont nos mémoires gardent la nostalgie.

La crèche représente alors les valeurs d’un passé révolu auxquelles nous demeurons attachés. Elle représente notre lien avec ce monde ancestral disparu où nous puisons encore les racines de notre identité culturelle.

Le passé de nos ancêtres devenant un paradis perdu que l’on sacralise, la crèche peut se comprendre aussi comme un acte de foi en des valeurs familiales et sociales pérennes qui résistent à l’évolution de modes de vie actuels devenus par trop inhumains.

La poissonnière a été et demeure une source d’inspiration constante pour les santonniers qui ont su rendre compte des sentiments et des attentes du public en créant des oeuvres particulièrement expressives tant sous forme de santons d’argile que de santons habillés.

 

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Groupe de poissonnières de Sauveur Ascia

 

 

La bugadière

L’encyclopédie Wikipedia la présente ainsi : « En toutes saisons, une lavandière devait d'abord apporter le linge au bord d'un cours d'eau ou dans un lavoir public. À genoux sur un baquet, ou sur le bord incliné du lavoir, elle jetait le linge dans l'eau, le frottait avec de la cendre, le rinçait et le tordait en le pliant plusieurs fois. Elle le battait ensuite avec un battoir en bois afin de l'essorer le plus possible. Finalement elle plaçait le linge essoré dans un panier ou une brouette pour l'amener vers le lieu de séchage. »
« Les artistes, peintres et poètes, ont souvent embelli l'image de ces femmes du peuple, en les présentant dans un cadre romantique et des paysages magnifiés. En fait, leur condition sociale et matérielle était dans la plupart des cas difficile : les femmes devaient, tout en lavant, s'occuper de leurs plus jeunes enfants. Certaines exerçaient parallèlement l'activité de nourrice. Leurs mains étaient très souvent abîmées pour avoir trempé trop longtemps et trop fréquemment dans l'eau bouillante ou au contraire dans l'eau


Jean Marc Tixier dans son ouvrage « La Farandole des Santons de Provence » exprime ainsi le lien de ce personnage avec le sacré : « Elle est agenouillée dans sa fatigue et dans sa peine pour une besogne de propreté qui lui vaut bien sa place parmi le petit monde des santons tout occupé de la venue du Sauveur qui va laver les péchés du monde ».


Les santonniers les plus anciens représentent la bugadière portant du linge sous le bras, sur la tête ou dans une corbeille. A l’origine elle fait partie comme la poissonnière des porteurs d’offrande. Elle personnifiera par la suite son métier lorsque les santonniers la représenteront avec ses instruments de travail : le battoir et le baquet dans lequel elle s’agenouille pour travailler. De nos jours le personnage s’intègre bien souvent dans une scène complète représentant la bugade au bord de la rivière ou au lavoir communal. Cette scène  peut se comprendre à son tour comme une forme de sacralitation
d'un passé disparu.

 

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Bugadières de Karine Fraisse

 

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Scène du lavoir de Gérald Roux, santons de Sylvie de Marans.

 

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Bugadière de Sylvie de Marans.

 

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Très belles scène de bugade au bord de la rivière. Crèche d'Arlette Bertello, santons pièces uniques d'Henri Vézolles aux Saintes Maries de la Mer.

 

 

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Crèche d'Arlette Bertello, santons pièces uniques d'Henri Vézolles aux Saintes Maries de la Mer.



Rédigé par Salon International des Santonniers d'Arles sur Rhône.

Publié dans #Information exposition

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