Au 56ème salon d'Arles :Thérèse Neveu, la plus célèbre santonnière.

Publié le 3 Janvier 2014

 

 

Si Lagnel est le premier des santonniers, Thérèse Neveu (1866 - 1946) est la plus célèbre santonnière d'Aubagne et de toute la Provence. Née dans une famille de potiers et céramistes elle a le mérite de moderniser la fabrication des santons, créant  pour la première fois un atelier uniquement consacré à la production des santons après son mariage en 1899 avec Louis Neveu, potier de profession.
Elle invente le métier en installant le premier atelier de santonnier professionnel en 1925. Son atelier familial, repris par la suite par ses enfants, fonctionnera jusqu'en 1972. La maison Neveu devient progressivement l'une des plus importantes productrices de santons de Provence et elle fabrique environ 15 000 pièces par an dans les années 1970.

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Novatrice, Thérèse Neveu abandonne la fabrication des santons en argile crue, simplement séchés au soleil, santons très fragiles, en utilisant le four de potier de son frère, le céramiste Louis Sicard (l'inventeur en 1895 de la cigale, posée sur une branche d'olivier, cigale devenue depuis emblématique de la Provence). Cette innovation, d'abord mal perçue, se généralise après la Seconde Guerre mondiale. D'autre part, elle n'a jamais utilisé d'anciens moules, mais crée les siens.

Thérèse Neveu n'est pas la première à représenter des personnages de son temps. Mais elle innove ici encore en choisissant des personnages célèbres et des figures aubagnaises pittoresques : elle réalise les portraits des félibres, au nombre desquels celui de Frédéric Mistral, représenté en chasseur tenant un lièvre à la main (santon déposé au Muséon Arlaten) et celui de Charloun Rieu, sous les traits d'un berger.
L'entomologiste Henri Fabre devient, quant à lui, le vieil homme assis sur un banc, faisant une pose dans son observation des insectes.

 

Thérèse Neveu choisit aussi de représenter, de " santonnifier ", des figures connues et reconnues de tous les Aubagnais.
Le berger couché de la Pastorale a ainsi les traits d'un membre de la famille Neveu.

 

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Pour santonnifier personnages célèbres et gloires aubagnaises, Thérèse Neveu crée ses propres moules sans avoir recours à des moules de Lagnel qui fut un modèle, un initiateur pour les santonniers ; parmi eux, nombreux sont ceux qui ont continué à utiliser ses moules.

 

Margarido d'Aubagne, la cousine du curé, santonnifiée par Thérèse Neveu

L'origine de la santonnification des figures aubagnaises pittoresques mérite d'être racontée.
Le curé Blanc, curé d'Aubagne, recevait chaque année à Noël, sa vieille cousine Margarido, habillée non à la mode du XXème siècle, mais à la mode de sa jeunesse, c'est à dire avec des vêtements taillés et imprimés à la façon des costumes provençaux de la fin du XIXème siècle :
pas de jupe montrant la cheville, comme la mode l'avait imposé à partir de la Première Guerre mondiale, les cheveux cachés par une coiffe, pas de manteau l'hiver et un sac, été comme hiver. 

Margarido   s'appuie sur un bâton et tient un panier à couvercle plat et à petite anse contre son tablier imprimé de fleurettes. Le tablier, élément constitutif du costume provençal, disparaît peu à peu au cours du XIXème siècle, devenant un élément non plus de parure, mais de protection. Thérèse Neveu prend soin de le représenter sous toutes ses formes et longueurs sur les femmes du petit peuple laborieux du pays d'Aubagne, paysannes, poissonnières et autres. En Provence, ce tablier ne possède jamais de bavette.
Sous son chapeau de feutre noir à la bérigoulo, Margarido porte la coiffe en taffetas nouée sous le menton, une coiffe aux rubans blancs.


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Margarido, se promenant dans les rues d'Aubagne au début du XXème siècle, était un personnage pittoresque, du folklore d'un autre temps.
Si on ajoute son caractère très affirmé, son patois, on comprend qu'elle ait impressionné l'artiste qu'était Thérèse Neveu qui s'était amusée à la santonnifier, penchée sur sa canne, accoutrée à son ordinaire, la tête protégée par son antique chapeau. La statuette si ressemblante, appréciée par tous les membres de la famille Neveu, fit son apparition dans la crèche de l'église Saint-Sauveur d'Aubagne, et obtint immédiatement un franc succès populaire ! Les gens d'Aubagne, de Gémenos, de Pont-de-l'Étoile et d'ailleurs, venaient voir la crèche et se réjouir du spectacle qu'offrait Margarido. Puis, il fallait s'y attendre, les commandes affluèrent à l'atelier, et c'est ainsi que Thérèse Neveu commença sa production de personnages bien connus des Aubagnais, des personnes âgées essentiellement, pour lesquelles elle faisait des recherches dans les familles qui avaient conservé d'anciens costumes. Margarido, la cousine du curé d'Aubagne, personne au caractère bien trempé, se hâtait en bougonnant, chaque année, au moment de Noël, vers l'église Saint-Sauveur, pour vérifier que son santon était bien là, dans la crèche.
La création de Margarido est à l'origine du développement de l'atelier qui mobilise alors, pour la peinture, Léonie et Marie-Rose, les deux filles de Thérèse, et son fils Étienne qui crée, avec sa mère, les moules des nouveaux entrants de la crèche aubagnaise, soit 70 personnages pittoresques ou paysans d'Aubagne et de ses environs. Pour santonnifier personnages célèbres et gloires aubagnaises, Thérèse Neveu façonne donc ses propres moules sans avoir recours à des moules de Lagnel. Elle introduit une rupture dans la tradition santonnière en abandonnant les moules de Lagnel ainsi que les modèles vêtus à la façon du XVIIIème siècle (comme le berger de Lagnel), pour les habiller de costumes provençaux d'une mode ultérieure.

 

Les figures de grande et de moyenne dimensions sont peintes à l'huile, alors que les figures de dimensions réduites sont peintes traditionnellement à la détrempe, c'est à dire avec des pigments de couleurs broyés puis dissous dans de l'eau et mélangés à une colle servant de liant. La peinture à la détrempe exige un trait sûr, avec une grande rapidité d'exécution, car les couleurs sèchent vite et ne sont pas reprises facilement. Les personnages les plus emblématiques de la crèche ne sont pas reproduits en séries identiques, comme nous le montrent les clichés des santons de Margarido et de Virginie.
L'atelier Neveu destine les plus grands santons aux églises, des figures de plus de 40 cm de haut ; il produit quatre tailles de santons entre 10 et 20 cm, et les santons ordinaires de petite taille.
De l'atelier sortent donc des pièces de différentes tailles, et, en particulier des pièces d'une vingtaine de centimètres de hauteur, plus proches de la statuette que le santon de taille réduite. Ces pièces de grande dimension demandent beaucoup plus de travail et de temps de réalisation que les santons ordinaires.  

 

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Margarido de la Pastorale Maurel

Mais ne confondons pas la Margarido de la pastorale Maurel avec la Margarido aubagnaise de Thérèse Neveu. La confusion pourrait venir du prénom Margarido (Marguerite en Français), prénom très répandu alors. La Margarido de la pastorale, une femme âgée aussi, se rend vers l'étable, juchée sur son âne, ce qui n'est pas le cas pour notre Margarido aubagnaise qui se déplace dans Aubagne et non à la campagne. La Margarido de la pastorale Maurel apporte ses offrandes dans un panier couvert d'un linge blanc et elle y a ajouté une pompe à l'huile.
Ses épaules sont couvertes d'un châle fleuri et se jupe en cotonnade piquée imprimée se déploie sur sa monture. Thérèse Neveu a santonnifié les deux Margarido.

 

Virginie de Garlaban
Virginie  Bérenger, autre figure pittoresque d'Aubagne, appelée Virginie de Garlaban, une paysanne dévote, venait vendre ses deux lapins chaque semaine au marché d'Aubagne. Elle est identifiable grâce à ses lapins, à son grand parapluie et aux rubans de sa coiffe dont la couleur varie en fonction des fêtes de l'Église. Virginie, comme Margarido, est donc aisément identifiable, grâce à des détails
qui peuvent passer inaperçus aujourd'hui, mais qui, dans la culture provençale d'antan, sont porteurs de sens et identifient une personne, donnent à voir un caractère. Grâce à ces détails, Virginie la dévote ne se confond pas avec Margarido, pourtant cousine du curé !

 

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 L'Arlésienne, un type de beauté, une élégance, reconnus par toute la Provence...


Les Arlésiennes, vers le milieu du XIXème siècle, avaient voulu se donner un costume spécifique, et ce choix explique l'originalité de leur coiffe, comme la richesse des tissus de leurs vêtements, faits souvent de belles soieries et non de simples indiennes comme c'est le cas pour les vêtements de la vie quotidienne. Elles arborent des pendants d'oreilles ornés de pierres dures comme les grenats ou les diamants et des montres en or portées en sautoir, des ombrelles, ont les mains gantées, signe d'un raffinement urbain.
La création du riche costume de l'Arlésienne est un acte volontariste, qui précède l'action de Frédéric Mistral ; celui-ci, inquiet des modifications de la société entrée dans l'ère industrielle, voue sa vie à la défense de l'identité provençale, et la crée, d'une certaine façon. La fondation du Félibrige, en 1874, a pour but de défendre et diffuser la langue provençale.

 

 

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La Farandole. Pièce exceptionnelle et rare de Thérèse Neveu, une des plus remarquables de l'exposition. Merci aux collectionneurs particuliers, amis du Salon, qui ont bien voulu la prêter.

 

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Photos de santons de Thérèse Neveu exposés au 56ème Salon d'Arles ouvert jusqu'au 12 janvier 2014 dans les salles du Cloître Saint Trophime (XIIème et XIIIème siècles). Arles, place de la république, accès par la cour de l'Archevêché . 

Ouvert tous les jours de 10 h à 18 h (sauf 25 décembre et 1er janvier).

entrée : 2,60 €, gratuit popur les enfants et les jeunes de moins de 18 ans accompagnés d'un adulte.

renseignements : 04 90 52 31 92 - 04 90 96 22 88 - 04 90 18 41 20

 

Source des textes : Georges Berni "Dans les pas de Marcel Pagnol"

 

Rédigé par Salon International des Santonniers d'Arles sur Rhône.

Publié dans #Information exposition

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J
merci Daniel pour ces belles photos qui retracent bien la production de l'atelier Neveu cette farandole est vraiment extraordinaire!
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