Hommage à deux créateurs authentiques au 57 ème Salon d'Arles du 15 novembre 2014 au 12 janvier 2015
Publié le 4 Novembre 2014
L’un, discret joyeux et appliqué, l’autre, exubérante secrète et prolifique. Lui, en Provence, à Arles qui se prétend sans cesse capitale spirituelle, Elle près de Sisteron dans cette haute Provence qui essaie en vain de se croire alpin !
Tous deux ont beaucoup de talent et vivent de leur art ; des créateurs, des personnalités, qui ne font que des pièces uniques et donnent la véritable image de cet art du santon, varié, riche, emblématique.
Nous les avons réunis pour cette 57ème édition du Salon d’Arles créé pour accueillir et mettre en valeur toutes les tendances. des œuvres de ces artistes artisans que sont les santonniers
Henri VEZOLLES
La passion d’entreprendre, le talent de réussir
C’est, comme pour Vincent Van Gogh, grâce au Chemin de fer que Arles a la chance d’avoir ce grand artiste plus connu et reconnu à l’extérieur que dans sa ville.
Ses parents quittent le berceau familial ardéchois en 1938, Aimé le père d’Henri est venu travailler au dépot SNCF d’Arles.
Mobilisé en 1939 alors que son fils n’a que quarante jours Aimé doit laisser sa femme et son fils qui retournent se mettre en sécurité à Sainte marguerite lafigère leur village ardéchois. Henri a six ans lorsqu’il fait connaissance de son père, et revient à Arles. Il reprend une scolarité normale mais sans retard car Léa sa maman lui a patiemment appris chaque jour à lire, écrire et compter.
Elève doué à l’école du Mouleyres, il trouve avec son instituteur, Mr Padoux, un éducateur qui saura lui révéler son sens artistique. Et à noël Monsieur Padoux lui fait faire des santons en terre crue pour la crèche… C’est sa première rencontre avec cet art populaire.
En 1963 avec un ami ils achètent une grande maison en haut de la rue de la Calade, ils en font un magasin de souvenirs ; cartes postales, poupées, arlésiennes en plastique, et vrais santons. Lou Becaru, nom du magasin a été suggéré par Monsieur Seguin mestre de masseto des Cigaloun Arlaten (joueur de galoubet et de tambourin, le mestre de masseto est le chef du groupe).
C’est un rendez vous de l’Art Provençal où il fait bonne et grande place aux santonniers : Jouve, Flore, Chave, Peirano, Jouglas, Guiomar… Et les santons… au magasin bien sûr mais c’est tout.
1958 passant sur la place de la République, il voit l’affiche du 1er Salon des Santonniers. Jean Héritier président du Syndicat d’Initiative, fondateur de l’exposition avec Marcel Carbonel et Jean Maurice Rouquette, lui explique que les amateurs ont aussi leur place.
Une dizaine d’années se sont écoulées depuis Mr Padoux, et voila qu’en 1959 , Henri qui tout petit déjà en Ardèche transformait le séchoir à châtaigne en atelier de peinture et sculpture, fait une crèche qui sera exposée au 2ème Salon des Santonniers. « C’était une grande cabane de gardian ouverte avec en fond les Alpilles et tous les santons que j’avais fait cuire chez «Niczy « un magasin d’artiste ». Et il exposera jusqu’au 6ème Salon d’Arles.
1990 Il vend Lou Becaru, profite d’une petite année sabbatique avant d’être rattrapé par les santons et plus exactement par les santonniers. Christian troisième génération Chave lui demande d’être son agent commercial. En 1995 Henri lui propose de poursuivre la collaboration autrement en installant un atelier magasin dans une maison qu’il possède rond point des arènes. Le succès est immédiat et l’aventure ne s’arrêtera qu’en 2004.
Henri accueille les clients, contrôle, fait des petites conférences sur l’art des santons, puis des démonstrations d’estampage…
Ce n’est pas encore suffisant pour cet artiste généreux, il s’installe donc un vrai petit coin de travail et commence à créer ses propres oeuvres.. «J’ai été surpris de voir qu’après trente ans sans rien faire j’arrivais encore à sculpter des personnages »
Et il veut toujours aller plus loin dans le défi et la recherche et travaille en démonstration permanente devant le public.
Je trouvais souvent dans les livraisons de terre rouge des échantillons de terre blanche ou noire, alors j’ai eu l’idée de faire comme avec la pâte à modeler, et j’ai créé un personnage en m’appuyant sur les différentes couleurs d’argile. Marius Chave, homme de grande ’expérience m’a dit que je n’y arriverai jamais et que tout allait se fissurer au séchage et à la cuisson à cause du retrait des différentes terres. Il avait raison !
Tête de bois comme un ardéchois Je ne me suis pas résolu à abandonner mes illusions, car j’avais dans l’esprit les faïences en terres mêlées d’Apt ; j’ai donc téléphoné à un fournisseur de terre de Vallauris pour lui faire part de mon projet et il m’a dit que c’était tout a fait possible qu’il fallait juste trouver des terres aux coefficients de retrait et de cuisson compatibles. 15 jours plus tard je recevais une nomenclature et j’ai commencé dés que j’ai pu. »
C’était en 1997 Henri se lance dans la réalisation d’une femme à la lavande et aux tournesols en trois terres
Le succès est au rendez vous les demandes affluent pour ces santons si particuliers décorées également avec les couleurs de la terre ; la barbotine, terre diluée dans l’eau. Henri Vezolles progresse sans cesse dans son art, et s’il travaille avec trois couleurs principales ; Rouge, Blanche Chocolat (marron foncé) il fabrique également ses propres terres de couleurs, « ses boulettes » mélangeant les différentes terres pour obtenir plus de nuances.
Chaque sujet est un original, une pièce unique.
Avec ce type de santons en terre de différentes couleurs, Henri Vezolles a créé un genre, c’est une innovation majeure : le chaînon manquant entre le santon traditionnel créé par Lagnel en 1797 et le santon habillé créé par l’abbé Sumien en 1914.
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Liliane GUIOMAR
Autodidacte géniale, et surdouée
Lorsque Liliane arrive sur la planète des santons dans les années 1980 ce fut un souffle d’air frais régénérateur.
« Je ne savais même pas que ça pouvait être des santons ce que je faisais »
Autodidacte casanière dans ses chères Basses Alpes, cette surdouée instinctive et boulimique fait sa 1ère exposition à Sisteron à 19 ans. Peintures, sculptures presque tout a été vendu ! Avec pour seule référence de départ le carnet de dessin et de travail de son père carrossier, trop tôt disparu, elle s’est immergée dans l’art comme les plongeurs en quête permanente de record d’apnée !
Dés son plus jeune âge le dessin lui sert de support, sert ses rêves et son trop plein d’expressivité. Elle lit en cachette Plutarque et quelques autres auteurs inhabituels pour son âge et pour l’époque. « Quand je suis née j’avais déjà quarante ans » un rire éclate en cascade.
Elle sera ensuite une excellente peintre qui connaît très vite le succès avec ses tableaux. Elle admire et s’inspire de Bruegel, Cranach, Bosh et les Tanagra.
Mais les circonstances la conduisent vers la sculpture ; les santonniers l’ont rapidement adopté et admiré. Elle dépasse l’art traditionnel du santon et présentent des pièces uniques œuvres raffinées qui se classent dans le figurisme.
Le vrai tournant se fait en 1986 ; pressée par les maîtres santonniers elle présente le concours de Meilleur Ouvrier de France qu’elle obtient sans problème. Elle récidive en 2000 dans la catégorie « santons habillés » un défi de plus qu’elle remporte.
Ses expositions sont attendues, ses apparitions aussi… On l’a dit secrète mais elle est si bien dans sa maison avec son mari, son potager, sa cuisine, ses chiens son atelier et ses chevaux ; Grande cavalière elle participe aux compétitions de saut d’obstacles, dressage et endurance avec passion. Il est vrai que l’étymologie de son nom originaire de Morlaix –c’est une parente de l’acteur Julien Guiomar- signifie en breton : Digne d’un bon cheval…
Son rire qui déferle comme un torrent joyeux lui sert souvent de paravent comme une excuse de pudeur et de réserve, même si aujourd’hui elle s’ouvre davantage au public.
Appliquée, tenace avec des zestes de « folies artistiques fécondes », et toujours en recherche ; sitôt maîtrisés, une matière, une technique, un style, un genre, elle se lance dans d’autres découvertes et toujours avec succès ! Grâce sans doute a une assurance sans faille associée à ses talents.
Dévoreuse de vie, chasseresse de rêves et d’espaces, de saveurs, de couleurs, d’émotions… d’existence tout simplement. Liliane Guiomar est toujours avide de tout musique, peinture, sculpture, dessin… sans jamais se perdre dans les méandres des arts et toujours dans la certitude de lendemains prolifiques.